vendredi 31 mai 2019

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 « La foi que j’aime le mieux, dit Dieu, c’est l’Espérance. La Foi ça ne m’étonne pas. Ce n’est pas étonnant. J’éclate tellement dans ma création. La Charité, dit Dieu, ça ne m’étonne pas. Ça n’est pas étonnant. Ces pauvres créatures sont si malheureuses qu’à moins d’avoir un cœur de pierre, comment n’auraient-elles point charité les unes des autres. Ce qui m’étonne, dit Dieu, c’est l’Espérance. Et je n’en reviens pas. L’Espérance est une toute petite fille de rien du tout. Qui est venue au monde le jour de Noël de l’année dernière. C’est cette petite fille de rien du tout. Elle seule, portant les autres, qui traversa les mondes révolus. La Foi va de soi. La Charité va malheureusement de soi. Mais l’Espérance ne va pas de soi. L’Espérance ne va pas toute seule. Pour espérer, mon enfant, il faut être bienheureux, il faut avoir obtenu, reçu une grande grâce. La Foi voit ce qui est. La Charité aime ce qui est. L’Espérance voit ce qui n’est pas encore et qui sera. Elle aime ce qui n’est pas encore et qui sera. Sur le chemin montant, sablonneux, malaisé. Sur la route montante. Traînée, pendue aux bras des grandes sœurs, qui la tiennent par la main, la petite espérance s’avance. Et au milieu de ses deux grandes sœurs elle a l’air de se laisser traîner. Comme une enfant qui n’aurait pas la force de marcher. Et qu’on traînerait sur cette route malgré elle. Et en réalité, c’est elle qui fait marcher les deux autres. Et qui les traîne, et qui fait marcher le monde. Et qui le traîne. Car on ne travaille jamais que pour les enfants. Et les deux grandes ne marchent que pour la petite ». 

Charles PEGUY

Le porche du Mystère de la deuxième vertu 


samedi 4 mai 2019

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La lune mince verse une couleur sacrée,
Toute une jupe d'un tissu d'argent léger,
Sur les bases de marbre où vient l'Ombre songer
Que suit d'un char de perle une gaze nacrée.

Pour les cygnes soyeux qui frôlent les roseaux
De carènes de plume à demi lumineuse,
Elle effeuille infinie une rose neigeuse
Dont les pétales font des cercles sur les eaux...

Est-ce vivre? O désert de volupté pâmée
Où meurt le battement faible de l'eau lamée,
Usant le seuil secret des échos de cristal...

La chair confuse des roses molles commence
A frémir, si d'un cri le diamant fatal
Fêle d'un fil de jour toute la fable immense.

Paul VALERY

Album de vers anciens
Sète

jeudi 2 mai 2019

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Seul qui éleva sa lyre
au milieu des ombres,
peut en pressentant
rendre l'hommage infini.

Seul qui avec les morts
a mangé du pavot, du leur,
n'égarera pas même
le son le plus léger.

Le mirage dans l'étang
a beau parfois se troubler;
connais l'image.

Dans l'empire double
les voix se font
tendres et éternelles.


RAINER MARIA RILKE

Sonnets à Orphée



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mercredi 1 mai 2019

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  Joris Karl Huysmans
A rebours
(illustration)



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Lys de la vallée
 

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L'oiseau bleu

Mon oiseau bleu a le ventre tout bleu
Sa tête est d'un vert mordoré
Il a une tache noire sous la gorge
Ses ailes sont bleues avec des touffes
de petites plumes jaune doré
Au bout de la queue il y a
 des traces de vermillon
Son dos est zébré de noir et de vert
Il a le bec noir les pattes incarnat
et deux petits yeux de jais

Il adore faire trempette,
se nourrir de bananes et pousse
un cri qui ressemble au sifflement
d'un tout petit jet de vapeur.

On le nomme le SEPTICOLORE

Blaise Cendrars
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